Les anges impérissables, comme les archanges ou bien comme Satan, comptaient bien moins pour Benjamin que le motif talmudique de la naissance et de la mort des anges devant Dieu, dont il est dit dans Otzar Hakabad de Todros Abulafia (1879) « qu’ils disparaissent comme l’étincelle sur le charbon ».
Gershom Scholem, Benjamin et son ange
Comme au blanc devait répondre le noir il fallait que du carré naisse l’envie du cercle qui s’insinua comme une petite histoire, un fruit de la réminiscence et du télescopage improbable de L’ange de l’histoire de W. Benjamin et du mythe de l’androgyne dans le Banquet. Le petit conte pourrait s’énoncer ainsi encore dans le partage du charbon et de la cendre. Il y aurait eu le cercle dans son immobile et plate perfection de disque tout semblable à un astre. Puis, ennuyé de lui-même, il se dissocie et se donne irrémédiablement à la passion du concave pour s’ouvrir des ailes et faire, à sa façon, l’ange. Il s’anime jusqu’à se séparer et laisser s’insinuer des creux et des failles qui s’élargissent en un vide sans mesures qui le sépare à jamais de la plénitude repue où il sommeillait pour partir en morceaux. Les fragments s’égaillent, charriant et distendant derrière eux la séparation, comme la traîne nostalgique et féconde de l’unité perdue.
La distance gravide s’alourdit ainsi de présence et prend corps pour être la partie sans limite, discrète et démesurée qui persiste et se manifeste comme la rémanence mouvante et sensible d’un membre amputé.